Fortaleza - 2019

Samedi 26 janvier

Départ de La Souterraine à 7 h et arrivée à Paris vers 10 h. Hôtel à côté de la Gare de Lyon. Réceptionniste robot.
Dîner d’un croque à la terrasse d’un petit restau en face de la gare. Ambiance décontractée. Difficile d’imaginer qu’à un kilomètre de là les CRS sont en train de gazer les gens.

Dimanche 27

Même pas cinq minutes à attendre la navette pour l’aéroport. Pas eu le temps de se demander si elle circulait ou non. Circulation très fluide jusqu’à Roissy.
Un peu le bazar au scanner, j’avais complètement oublié que j’avais laissé deux bouteilles d’eau dans ma valise.

Vol Joon. Avion neuf, personnel navigant très sympa. La patte Air France. Regardé trois films : En guerre, I feel good et Les vieux fourneaux. Particulièrement d’actualité.

Arrivée à Fortaleza avec un petit peu d’avance. Passage en douane somme toute assez rapide. Deux Finlandaises avec nous dans la file d’attente, ravies de m’entendre leur sortir les trois mots de finnois qui me restent. Dire que j’ai connu leur pays avant elles ! Le privilège de l’âge…

L’aéroport est toujours aussi sinistre. Éclairages tristes, murs gris. Pas grave, on est au chaud ! Au bureau de change, la fille nous parle en anglais mais nous décoche un grand sourire en nous entendant répondre en portugais. Bien que la nuit soit tombée depuis une bonne heure, il fait encore 28 ou 29°. Et ce je ne sais quoi dans l’air qui nous dit qu’on est bien à Fortaleza et pas ailleurs. Un mélange de touffeur équatoriale et d’odeurs diffuses unique.

La route qui va de l’aéroport au centre ressemble enfin à ce qu’on attend de ce genre de route. Les quelques kilomètres reliant l’aéroport après sa modernisation sont longtemps restés une honte : c’était une simple avenue à deux voies truffée de nids-de-poule, mal éclairée et peu engageante. Désormais, c’est une quatre-voies qui conduit jusqu’à l’avenue Desembargador Moreira. Petit tour de la Praça do Portugal et nous voici à l’hôtel Villa Maior, en bas de l’avenida Visconde de Mauá.

Accueil très chaleureux. Dieu que je suis content d’être là. D’ailleurs, je n’arrête pas de le répéter. Encore peu de monde attablé autour de la piscine de la cour intérieure pendant que les enfants s’ébattent dans la piscine. É o Brasil !

Vite, on dépose nos affaires dans la chambre. L’hésitation ne dure que quelques instants : allez, direction Beira Mar. Nous ne sommes qu’à 200 mètres de la Feirinha da Noite, le marché nocturne. Un monde fou pour un dimanche soir, mais il est vrai que ce sont les grandes vacances des Brésiliens. C’est la saison du « Paulista » (habitant de l’État de São Paulo), l’équivalent brésilien du parigot. Onze ans qu’on n’est pas revenu, mais hormis deux ou trois gratte-ciel en plus, rien n’a changé. Les vendeurs de gadgets vendent toujours les mêmes gadgets, le mime peint en gris métallisé fait toujours son animation, les marchands ambulants de glaces ou d’eau de noix de coco sont toujours là. Tout juste si on remarque que tout est un peu plus aseptisé.

On se retrouve inévitablement à une table un peu à l’écart, à quelques mètres du trottoir, juste là où commence la plage. On se laisse bercer par le ressac de la marée montante en savourant – enfin ! - une caipirinha. Et en regardant les gens autour de nous. Sur la plage, un jeune serveur de la baraque voisine va de temps en temps sur la plage jouer avec son chien. À la table voisine est assis un jeune couple avec une petite fille et un petit garçon très occupé à chercher des cibles pour son fusil à flèches.

Lundi 28

Réveil à 6 heures du matin, en heure locale, soit 10 heures en France. On traînasse un peu dans la chambre jusqu’au moment où on se rend compte que si on veut trouver une table libre pour le petit-dèj’, il va falloir se grouiller. Buffet brésilien. On se rue sur les fruits – ananas, pastèque, melon et papaye. C’est la meilleure saison pour les fruits et on a bien l’intention d’en profiter. Surtout que trouver de la papaye mûre à point en France, ça relève de l’utopie. Nous sommes vraisemblablement les seuls étrangers de l’hôtel. Les autres clients sont des Brésiliens du sud. On s’amuse à les regarder faire des selfies assis à côté de la statue de José de Alencar, l’écrivain cearense de l’époque romantique. Les selfies… Narcissiques comme ils sont, on se demande ce que deviendraient les Brésiliens sans leur smartphone.

Bon, et maintenant on fait quoi ? Comme on a pensé la même chose en même temps, c’est parti : on va dans le Centre, sans les appareils photo, juste les mains dans les poches histoire de prendre la température. Des amis qui ont aussi vécu ici, mais sont repassés à Fortaleza ces dernières années nous ont dit des tas d’horreurs. Fortaleza est devenu un vrai coupe-gorge. À les entendre, pas question d’aller à pied à la superette du coin : il faut prendre un taxi. Bref, rien n’a changé depuis les années 80. Ce sont toujours les mêmes qui ressortent les mêmes histoires.

Sur le coup de neuf heures, nous voilà donc partis. Le soleil est déjà haut et il fait facilement 30°. Heureusement, on prend l’avenue Beira Mar et l’air de la mer tempère son ardeur. À cette heure, c’est calme. Quelques promeneurs, un courageux occasionnel qui fait son jogging. On arrive à la plage d’Iracema. Tiens, le restaurant Tia Nair a finalement été démoli. Dommage, c’était un bon restaurant et peut-être le seul de Fortaleza à employer de vrais serveurs. Ce doit être récent, parce qu’on l’a encore vu dans Street View il y a peu de temps.


Statue d’Iracema

Tout le quartier d’Iracema est salement sinistré. Des terrains vagues, des maisons à l’abandon, taguées à souhait. Le pire, c’est le Ponte dos Ingleses. Il avait été refait à neuf à la fin des années 90, à l'instar de tout le quartier. Iracema, c'était le haut lieu de la vie nocturne. La rambarde en bois est à présent démolie sur plusieurs mètres. Les petites constructions en bois à l’entrée sont fermées et abondamment taguées. D’ailleurs, l’accès est barré par une palissade métallique où on lit que « prochainement », la convivialité des lieux va être restaurée, ou quelque chose comme ça. Eh ben, y a du boulot. C’est vraiment sinistre. Seuls l’Estoril et le Pirata font bonne figure dans cet environnement dégradé. Dans les rues voisines, même ambiance générale d’abandon.

On remonte jusqu’au centre culturel Dragão do Mar. Pas mieux. Les jolies façades des constructions alentour sont pisseuses et couvertes de tags. Le Dragão do Mar ne s’en sort pas trop mal, mais on voit bien que plus rien n’est entretenu. S’il n’y avait pas des vigiles armés à différents emplacements stratégiques, ce serait sans doute bien pire.

De là, on traverse la place du Cristo Redentor avant de nous diriger vers le Centro. Là, au moins, rien n’a changé. Ça se serait même plutôt amélioré. Quartier commercial populaire où la bourgeoisie fortalézienne ne s’aventure pas. On fait une pause dans une « lanchonete », nom donné ici aux petits snack-bars où on peut se restaurer à petit prix. Vitamina de graviola pour moi, vitamina de abacaxi et coxinha pour Marielle.

« Dis donc, qu’est-ce que t’es rouge !
- Euh, tu t’es regardé ? »

Même matinal, le soleil a déjà frappé.

En sortant, on pousse le pied jusqu’à la place du théâte José de Alencar. Très encombrée de stands de vêtements, ustensiles de cuisine et gadgets en tous genres. Apparemment, des bâtiments ont été démolis au fond de la place. Il faudra qu’on regarde nos vieilles photos pour savoir ce qu’il y avait là exactement. Je me souviens d’une boutique de bondieuseries, mais c’est tout. On refait une nouvelle pause dans la petite église de la place. L’ambiance est bien différente de celles de nos églises froides et souvent vides. On dénombre une trentaine de fidèles disséminés sur les bancs. Les portes de l’église sont évidemment grandes ouvertes et on est bercé par le ronronnement des ventilateurs.

Retour à l’hôtel. Six bons kilomètres. La traversée d’Aldeota est un peu longuette sur la fin. On est à la limite du coup de chaud.

Quelques heures plus tard, on est requinqué et on va faire quelques courses au supermarché, le Pão de Açúcar. En fait, c'était son nom quand on habitait à Fortaleza dans les années 80. Depuis, il a changé de nom une fois ou deux, je crois.

À la tombée de la nuit, on va dîner sur Beira Mar. Carne de sol. De la viande séchée au soleil à la préparation spéciale, toujours tendre et savoureuse. Ensuite, un petit tour jusqu’au marché aux poissons de Mucuripe. C’est en plein travaux tout du long : on est en train d’aménager des places de parking.

Retour à l’hôtel. On a marché plus de 22 kilomètres aujourd’hui. On n’en revient pas.

Demain, c’est juré, on se calme.

Mardi 29 janvier

Debout à six heures. Ce matin on retourne à Iracema prendre quelques photos des fresques, mais aussi des dégradations du Ponte dos Ingleses. Devant l’ancien hôtel Iracema, un type dans les quarante-cinq ou cinquante ans, nous voyant photographier l’hôtel vient nous dire qu’il a été racheté il y a quelques années, « du temps de Tasso », Tasso Jereissati, l’ancien gouverneur. Oui, bien sûr que je me souviens. Le type – pas Tasso – est très sympa et on discute quelques minutes. On apprend que Tasso avait un projet immobilier pour ce site, mais qu’il y a eu des tas de complications juridiques. Du coup, les arbustes accrochés aux derniers étages continuent de pousser… Au moment de nous séparer, le type me demande si « a senhora », Marielle, est française. Je lui dis qu’on est français tous les deux, qu’on a vécu ici dans les années 80. J’avais d’ailleurs une cousine de Tasso parmi mes élèves.


Construit vers 1920, l’ancien hôtel Iracema

On remonte la Rua dos Tabajaras – dans le quartier, toutes les rues portent le nom de tribus indiennes depuis longtemps disparues – jusqu’au Pirata. Le quartier, un temps haut lieu de la vie nocturne fortalezense, est bien décrépit. On est quand même agréablement surpris de voir que le petit hôtel où on avait séjourné en 1997 est toujours là. Le Pirata est le seul établissement à faire bonne figure avec ses façades fraîchement repeintes et bien entretenues. Dans les années 90, il avait la réputation d’être la boîte la plus chaude de toute l’Amérique Latine. De là, on bifurque vers le Ponte dos Ingleses pour faire quelques photos de ce haut lieu de la désolation. Espérons qu’il sera remis en état rapidement.

Ensuite, on traîne sur le bord de mer à photographier des fresques. Une dame entre deux âges vient nous trouver. Apprenant qu’on est français, elle est toute contente de nous dire qu’elle a séjourné à Dijon il y a quelques mois. Il se trouve que nous y avons justement passé un week-end l’automne dernier. Elle se dit enchantée de son séjour et de cette ville, qu’elle préfère à Lyon.

Retour à l’hôtel un peu après 8 heures pour le petit-déjeuner. On traîne à table en nous laissant bercer par des chansons brésiliennes. Au moins, ils ont le bon goût de ne pas mettre de la variété anglo-saxonne ringarde comme c’est trop souvent le cas. Il est vrai que la clientèle est 100 % brésilienne, venue principalement des États riches du Sud du pays.

Comme hier on a fait un peu fort avec nos 22 kilomètres, on passe la journée à glander. À mesure que le soleil se déplace, les clients de l’hôtel vont s’asseoir d’un côté ou de l’autre de la piscine. Quelques femmes seules avec leurs enfants. Des familles. Les gamins s’en donnent à cœur joie. Déjeuner à un petit restau « au kilo » à deux pas de l’hôtel. Dans l’après-midi, on redescend s’asseoir un moment au bord de la piscine. À peine assis, un employé de l’hôtel m’interpelle : un coup de fil pour moi à la réception. C’est Diego qui me rappelle pour confirmer le RV demain matin. Il doit être télépathe, je me demandais justement s’il allait donner signe de vie.

En fin d’après-midi, le ciel s’est un peu couvert et on en profite pour aller dans un centre commercial acheter un cordon USB pour l’appareil photo. Manque de pot, je me goure d’itinéraire et on se retrouve dans l’avenue Barão de Studart. Au bout de cent mètres, je me rends compte que nous sommes à deux pas de l’épicerie de Thierry. On ne l’a pas revu depuis une bonne douzaine d’année. En approchant, j’aperçois deux personnes dans la pénombre et j’ai un doute : après tout, il a peut-être revendu ? C’est sa fille qui nous accueille. Le doute n’est pas permis, elle ressemble comme deux gouttes d’eau à sa mère. Et nous apprend que Thierry est décédé il y a six mois. C’est un choc. Il n’avait même pas soixante ans. Cancer.

C’est donc encore ébranlés qu’on repart en direction du centre commercial où se trouve apparemment la seule boutique susceptible de vendre le cordon USB dont on a besoin. Sur la porte, une affichette : « volto já já » - je reviens tout de suite, tout de suite. On repart. À tous les coups, ce papier est là depuis des lustres.

On va manger un truc vite fait sur Beira Mar, mais avant de rentrer, on s’arrête quand même boire une caipirinha. Il n’est que huit ou neuf heures du soir, mais il y a un monde fou. Beaucoup de Paulistas et de Gaúchos. Toutes les cinq minutes, un vendeur ambulant vient proposer des lunettes de soleil, des bonbons, des sculptures en fil de fer, des sculptures sur bois, des clopes et même des mini-enceintes pour smartphone… On en a dénombré au moins vingt-cinq en un peu plus d’une heure. Ils arrivent à en vivre ? Tout à coup surgit une femme portant une blouse blanche : une masseuse. Le jeune couple de la table à côté est partant. Le mec doit être chatouilleux parce qu’à un moment donné il part d’un fou rire. Au bout de quelques minutes, on voit les deux types assis à une table à quelques mètres se gondoler. Nous, on pleure de rire. De même que la masseuse, qui doit s’éloigner un instant pour éponger ses larmes.

Mercredi 30 janvier

Ce matin on rencontre Diego, un jeune de Mucuripe qui a créé une mini-fondation pour la préservation de la mémoire du quartier. Il m’a contacté il y a quelques mois après avoir trouvé aquiceara.com sur Internet. Il est venu nous chercher à l’hôtel avec une amie à lui, Rosalia. Elle est guide touristique et a vécu en France. Elle a d’ailleurs été mariée à un Français.

On se retrouve dans les ruelles de Mucuripe à découvrir son minuscule local dans l’entrée d’une petite maison du quartier. Le coin n’est pas encore envahi par des tours. Dédale de ruelles bordées de maisons basses blanchies à la chaux couvertes de tuiles romaines. Tout le charme d’un quartier populaire. Dans son local, Diego a réuni une impressionnante collection de livres et de photos du quartier. Il nous a même montré un court-métrage tourné sur la plage de Mucuripe en 1941, la même année que celle où Orson Welles a tourné It’s all true. Ensuite, déjeuner d’une moqueca de raia dans le quartier du Mirante en haut de la dune qui domine Mucuripe avant de rentrer à l’hôtel. Diego et Rosalia doivent aller travailler, et on convient de se revoir samedi.

En fin d’après-midi, on va louer une voiture chez Hertz – ou plutôt chez Localiza. Hertz doit être trop difficile à prononcer pour les Brésiliens. 450 reais pour 4 jours, kilométrage illimité. Cool. Une petite Nissan toute simple qui fera parfaitement l’affaire.

Dîner sur la plage. Ensuite on traîne un moment sur la nouvelle digue à côté de la feirinha da noite, le marché nocturne. L’endroit est très agréable. On peut profiter du bruit des vagues sans être gêné par la musique et la circulation de Beira Mar tout en admirant la ville. Des familles ou des couples d’amoureux font de même. Je filme un jeune chien qui joue avec un petit chat noir et blanc. Je ne suis d’ailleurs pas le seul. Je discute quelques minutes avec le propriétaire du chien, un mec de Mucuripe, justement. Il me confie, encore tout ému, que son animal lui a toujours veillé sur lui pendant l’année où il a dormi dehors…

Jeudi 31 janvier

Eh bien maintenant qu’on a une bagnole, allons donc traîner un peu sur les routes du Ceará ! On n’a rien prévu en particulier. Deux possibilités : le littoral est ou le littoral ouest. Notre préférence va au littoral ouest, mais on ira demain, histoire de le garder pour la bonne bouche.

On sort donc de Fortaleza par l’avenue Washington Soares. Par rapport à notre dernier séjour, il n’y a guère de changement. Bien sûr, de nouvelles tours sont sorties de terre un peu partout, les routes ont été élargies, le bétonnage a continué… en passant devant l’Unifor, l’université privée de la Fondation Queiroz, je me revois descendant du bus devant l’entrée un matin de 1985. À l’époque, les terrains alentours n’étaient que des étendues herbeuses desséchées par le soleil. Aujourd’hui ce ne sont que centres commerciaux et autres bâtiments aussi rutilants et prétentieux qu’inutiles.

Passé l’embranchement vers Cofeco et Prainha, la route a perdu son côté campagne. Les terrains occupés par des anacardiers le sont désormais par des marchands de matériaux. Et ça continue comme ça tout le long de la côte jusqu’après Aquiraz. Des complexes hôteliers en veux-tu, en voilà là où il n’y avait que du sable. À Morro Branco, on renonce finalement à aller revoir les falaises de sable coloré de la Praia das Fontes. Après tout, on connaît tout ça par cœur et on a envie de juste traîner en bagnole pour nous évader de Fortaleza.


Banderole annonçant un bal forró le samedi suivant

Cette année, la saison des pluies semble un peu en avance. La campagne est très verte et la végétation a poussé avec une vigueur insolente. De Morro Branco, on bifurque vers Pacajus puis en direction de la Serra de Guaramiranga. Dès qu’on s’éloigne du littoral, on se retrouve dans une jolie région d’anciennes dunes colonisées de longue date par la végétation. Très peu de circulation, et la route est plutôt bonne, même s’il ne faut pas relâcher sa vigilance : des nids-de-poule attendent parfois en embuscade. Il y a quelques années, ils nous ont causé une mésaventure dont on a gardé un souvenir un peu angoissant.

À Pacajus, on perd un bon moment à tourner en rond pour trouver la route de Redenção. Il faut en effet traverser la BR116, mais impossible de trouver le croisement. On part d’abord en direction de Fortaleza, mais au bout de quelques kilomètres, rien. Pas de sortie en direction de la montagne. Comme on est sur une deux fois deux-voies, il faut rouler jusqu’au prochain « retorno », c’est-à-dire là où on peut faire demi-tour. Donc, demi-tour et rebelote. On refait quelques kilomètres en sens inverse puis on rentre dans Pacajus. Là, eurêka, au premier croisement il suffit de tourner à gauche… pour nous retrouver sur la BR quelques kilomètres plus loin ! Quelle histoire de fous. Cependant, on a aperçu en face, de l’autre côté de la BR, un panneau au-dessus de la route qu’on cherche. OK, c’est reparti pour un tour. BR jusqu’au retorno puis on guette la sortie à droite. Aucun panneau indicateur, mais tout de même une sortie tout ce qu’il y a de plus anonyme et discrète en rase campagne, sans aucune indication, à l’intérieur d’un virage et qu’on manque de rater une nouvelle fois. Deux ou trois-cents mètres plus loin, victoire ! On est sur la bonne route. Dingue. Ils ont supprimé purement et simplement l’ancien croisement quand ils ont refait la BR, mais sans remettre aucun panneau indicateur. À l’usager de deviner !

Sur la route, toujours aussi belle et tranquille qui conduit à Redenção, on essuie une ou deux averses. L’arrivée de la saison des pluies est imminente et ce sont les premières escarmouches. En revanche, cela nous donne l’occasion d’apprécier les jeux d’ombre et de lumière des nuages sur les forêts qui couvrent les montagnes au loin.

Il est près de deux heures quand on aperçoit l’escalier blanc à flanc de colline conduisant à une petite chapelle dominant la ville. On commence à avoir faim et on s’arrête à la sortie en direction de Quixadá, dans un restau bien typique. Comme on hésite devant le menu – on est assez tenté par le ragoût de côtes d’agneau – la patronne donne le coup de pouce décisif : il y en a justement un tout prêt. Question rituelle : « Dá pra dois ? - Dá, sim. » Pour deux, ça ira ? - Oui, bien sûr. Elle nous demande tout de même s’il s’agit d’une pause déjeuner vite fait ou si on est gros mangeurs. On lui fait une réponse de normand. Quelle que soit notre réponse, on sait que ce sera bien cuisiné et abondant. Et on se retrouve avec trois beaux morceaux d’agneau dans une sauce à se damner et quelques pommes de terre, du riz, de la salade, des spaghetti, et du pirão. On arrose le tout avec de la cajuina. Un vrai déjeuner cearense comme on les aime.

On repart en direction de Baturité, sur les premiers contreforts. Non que cette montagne soit bien haute, puisqu’elle culmine à seulement 1500 mètres, mais les Fortalezenses viennent volontiers y trouver une fraîcheur relative le week-end. Tout le long de la route, je peste contre les limitations de vitesse délirantes et les radars – ils en ont mis partout, même jusque par ici. N’oublions pas, bien entendu, les gendarmes couchés de toutes sortes, excessivement nombreux et mal foutus, souvent aussi inutiles que dangereux. Les pires, ce sont les plots en plastique jaune qui dépassent de quatre ou cinq centimètres de l’asphalte – quand ce ne sont pas les rues aux pavés disjoints des agglomérations – et ne demandent qu’à bousiller les amortisseurs. Qu’on les prenne au pas, en première, ou à dix kilomètres à l’heure, on ne peut pas s’empêcher de pousser un gros soupir d’exaspération.

Très sinueuse, la route est cependant splendide. La région est relativement verte, même en saison sèche, mais les premières pluies ont accompli des merveilles et… on s’émerveille. Au détour d’un virage on découvre de petites maisons aux tuiles romaines parées de bougainvilliers avec un panonceau indiquant qu’il s’agit d’une auberge ou d’un « sitio », à mi-chemin entre la maison de campagne et la fermette. Les rues à l’entrée des bourgs sont bordées de flamboyants en pleine floraison. On passe à l’occasion devant une petite église ou un couvent devant lequel se dressent de majestueux palmiers impériaux d’une vingtaine de mètres de hauteur. D’ailleurs, je me rendrai compte sur le chemin du retour que ces palmiers, on en voit dépasser de la végétation basse par centaines sur les flancs de la montagne.

Après avoir tourné un moment en rond entre Baturité, Maranguape et Mulungu, notamment à cause d’une signalisation routière débile qui nous fait faire dix kilomètres dans un sens puis dans l’autre, c’est un peu à cran qu’on reprend la route de Fortaleza. Par chance, passé Redenção, la route est belle et il n’y a quasiment pas de radars. On devrait arriver juste après la tombée de la nuit. Eh bien non : à Maracanau, des travaux et une déviation très, très mal indiquée nous oblige – nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls, à rebrousser chemin dans une certaine confusion. Quelques mètres plus loin, je pile en voyant un petit bout de chat âgé de tout juste deux mois traverser tranquillement. La bagnole qui roulait parallèlement à nous sur la voie de droite en fait autant. Avec l'autre conducteur, on échange un pouce levé.

On finit par se retrouver sur la rocade et une dizaine de kilomètres plus loin sur la BR en direction du centre. C’est l’heure des embouteillages, mais comme j’ai loupé la sortie vers Aldeota on se retrouve sur l’Avenida Dom Manuel, ce qui nous fait finalement gagner du temps.

Vendredi 1er février

On est réveillé par l’orage. Le ciel d’un noir d’encre est fréquemment zébré d’éclairs et il pleut très fort. Avant de venir, la météo annonçait de l’orage toute la semaine, mais comme il a fait beau on n’y croyait plus. Seulement là, fini la rigolade. Il tombe des trombes d’eau.

Après le petit-déjeuner, une accalmie relative nous décide à prendre la route. Aujourd’hui on a décidé d’aller revoir quelques plages du littoral ouest, et puis l’orage va bien finir par se calmer.

En fait, ça ne se calme pas du tout, du tout. Ça ne fait même qu’empirer. C’est le déluge. Les voitures zigzaguent tant bien que mal entre les flaques – ou plutôt les mares – qui ont envahi la moitié de la chaussée, tantôt du côté gauche, tantôt du côté droit. On ne voit pas à vingt mètres. Avec toute cette flotte, on ne voit pas non plus les gendarmes couchés qui se rappellent brutalement à notre bon souvenir, même à trente à l’heure. Enfin on atteint l’avenue Bezerra de Menezes pour sortir de la ville puis l’embranchement vers la CE-85. Bonne surprise, c’est maintenant une quatre‑voies. En 2007, ce n’était encore qu’une deux-voies. La pluie est de plus en plus forte. À soixante à l’heure, on a l’impression de prendre des risques insensés. Heureusement, il n’y a presque pas de circulation. Je suppose que tous ceux qui n’ont pas un besoin impératif de se déplacer ont préféré attendre.

La route qui part vers l’ouest traverse une région de caatinga, forêt de buissons et de petits arbustes ne dépassant guère 4 ou 5 mètres de hauteur, entrecoupée de zones un peu marécageuses où poussent de grandes herbes et des carnaubas. Comme la saison des pluies a commencé tôt cette année, c’est déjà très vert. Aux abords de São Gonçalo do Amarante, on longe la Lagoa do Cauipe, une très belle lagune dont le niveau a déjà bien monté avec toute cette pluie. Nous avons décidé d’aller jusqu’à Mundau, à environ 150 km de Fortaleza puis de revenir en faisant des incursions sur les différentes plages.

On roule toute la matinée sous une pluie battante qui met longtemps à se calmer. La route est de construction récente et en bon état, hormis sur un petit tronçon où des nids-de-poule sont en formation. Sous cette pluie qui transforme la route en rivière, on ne les repère qu’au dernier moment. Par chance, ça ne dure pas. Je me verrais mal changer une roue par ce temps.

Quelques kilomètres avant Mundau, on profite de ce que la pluie a presque cessé pour nous arrêter déjeuner dans un village. Le téléviseur accroché dans un coin de la salle montre des images des inondations à Fortaleza, où il est tombé 55 mm. Pas vraiment exceptionnel, mais à Fortaleza, c’est tout de suite la cata à cause d’infrastructures souvent déficientes. À Paracuru, il est tombé 70 mm et 90 à Crato, dans le sud du Ceará. On est somme toute plutôt bien lotis.

À la sortie de la ville, on constate que la route a été asphaltée récemment, elle aussi… avant de tomber sur un tronçon de 3-400 mètres complètement défoncé (un panneau indique que c’est temporaire) avant de retrouver un beau macadam bien propre. Pas de doute, on est au Ceará.

Mundau n’a rien d’exceptionnel, mais je voulais revoir la route côtière entre la plage déserte et les dunes où le sable durci en millefeuille présente des configurations intéressantes. Le ciel est toujours aussi noir, mais la pluie a cessé depuis le déjeuner. Nous repartons vers l’est, en direction de Paracuru, non sans faire un petit détour par Flexeiras, qu’on ne connaît pas encore. Le village est plutôt mignon, avec ses belles maisons et autres pousadas (auberges) pour les vacances. Seulement, on se demande comment on peut bien en vivre ici. Le taux de remplissage ne doit pas dépasser 50 %, et encore, pendant un mois par an. On voit bien que le reste du temps, ce doit être assez désert.

Un peu avant d’arriver à Paracuru, on remarque des drapeaux plantés à intervalles réguliers sur un terrain déboisé de plusieurs hectares, avant de passer devant une petite guérite devant laquelle on a aménagé une petite allée de gravillons. C’est le bureau de vente du lotissement. Ils ont vu grand : il y a de quoi construire je ne sais combien de dizaines de maisons. Et on n’a pas tout vu : quelques centaines de mètres plus loin, on tombe sur deux ou trois autres lotissements du même genre. Encore des projets grandioses qui vont faire pchitt, la conjoncture économique n’étant plus vraiment porteuse.

On se gare au bout de la route, là où on a aménagé une placette et des gradins descendant vers la plage. Un trottoir carrelé longe la plage sur deux ou trois-cents mètres. Bonne idée. D’ailleurs, cela semble un lieu de promenade assez prisé des mères de famille avec leurs enfants. Dommage qu’on n’ait pas trop le temps. Surtout, on se méfie de la météo. On aurait volontiers poussé le pied jusqu’à l’endroit où la rivière traverse les dunes. Je suppose qu’elles ont encore progressé et remodelé le paysage. Tant pis, ce sera pour une prochaine fois si nous revenons au Ceará.

« Nous aimons Paracuru »

Un peu avant Fortaleza, on décide de faire un crochet par Cumbuco. Là, pas d’illusion à se faire : il y a au moins vingt ans que la plage est pourrie par le tourisme. Quant à la route de retour à Fortaleza, eh bien elle est toujours aussi moche.

Samedi 2 février

C’est notre dernier jour à Fortaleza. Ce matin on a rendez-vous à neuf heures avec Diego. On a convenu d’aller au centre Quatro Varas, à Pirambu, puis au musée du cajou. Par chance, Diego a son GPS et on arrive à se faufiler dans le dédale de rues conduisant au centre, tout près de la plage. Notre petite Nissan s’en sort avec les honneurs, mais… le centre est fermé le samedi. On s’y attendait un peu, mais là, on en a le cœur net. Diego est mort de trouille. Le quartier a très, très mauvaise réputation, mais il ne faut pas exagérer, à cette heure-ci on ne craint vraiment pas grand-chose. D’ailleurs, il y a dix ans, on est venu ici faire des photos et filmer sans aucun problème.

On repart donc en direction du musée. Incidemment, il se trouve à Guadalajara, là où j’ai en quelque sorte découvert le Brésil en 1984. Notre ONG avait une petite mission là-bas. À l’époque, c’était encore la campagne. Les rues étaient des chemins de terre, la plupart des maisons étant séparées par des terrains en friche ou plantés de manioc. Aujourd’hui, c’est complètement méconnaissable. Toutes les rues sont asphaltées et bordées de maisons, souvent avec un étage. La ville, quoi.

Le musée est installé dans un ancien sitio, c’est-à-dire une ancienne maison de campagne entourée d’un terrain. Celui-ci est ceint d’un haut mur peint en blanc, avec des fresques représentant bien évidemment des cajous de part et d’autre du portail. À l’intérieur, on découvre une végétation magnifique, avec bien entendu quelques anacardiers (l’arbre qui donne le cajou), des atiers, des sapotiers… D’ailleurs, Diego est tout aussi étonné que nous de découvrir un sapotier d’une bonne quinzaine de mètres de haut portant des fruits gros comme des oranges. Ce doit être un spécimen assez exceptionnel.

La maison est tout entière consacrée au cajou : tableaux, sculptures, littérature, photos, canevas… tout ce qu’on a toujours voulu savoir sur le cajou sans jamais oser le demander. Et il y a la boutique où on déguste une excellente cajuina, du jus de cajou qui subit plusieurs filtrations jusqu’à devenir parfaitement translucide avant d’être chauffé au bain-marie afin d’obtenir une belle couleur dorée. Au musée, on découvre même une spécialité, la « cajuaça », sorte de compromis entre cajuina et cachaça.


La « noix » de cajou est la graine qui ressemble à un haricot. Le fruit proprement dit sert à faire des jus. Une société de Fortaleza produit même des steaks végétariens avec la pulpe.

Il a fallu vingt ans au fondateur pour mettre ce musée sur pied. C’est un passionné de culture, d’art et de traditions qui déplore l’immobilisme, voire l’incompétence des pouvoirs publics. Quand on lui dit qu’on était bien contents que Diego nous accompagne, parce qu’autrement on n’aurait pas trouvé le chemin du musée, il nous explique qu’il a trente-cinq panneaux indicateurs dans la pièce voisine, mais que pour chacun d’eux il faut une autorisation avant de le placer sur le bord de la route. Et comme les administrations se renvoient toutes la balle, ça peut encore durer des années. Décidément, le Brésil n’a pas changé.


La « coccinelle cajou » du musée

La visite terminée, on rentre à Fortaleza, où on veut essayer de trouver des cartes postales. Diego nous a appris qu’en fait, on n’en trouvait plus nulle part depuis des années. On n’est pas surpris, il n’y en a jamais beaucoup eu, et de nos jours tout le monde prend des photos sur son smartphone et les envoie par messagerie instantanée. On trouve tout de même un kiosque au marché central où ils en ont encore quelques-unes. Le type les a toutes conservées précieusement dans une pochette en plastique jusqu’à épuisement du stock. Un coup d’œil rapide nous confirme ce que nous soupçonnions : elles sont moches et en mauvais état.

De là, on se rend au centre culturel aménagé dans l’ancien marché central. C’est de là que part le petit train pour la balade de découverte culturelle de Fortaleza. En attendant l’heure du départ, on va jeter un coup d’œil dans la salle du fond. Un concours de rap est en train de s’achever. C’est l’heure de la remise des prix et des photos. Les mecs se la pètent un max en prenant la pose. Sait-on jamais, ils rencontreront peut-être un succès planétaire un jour et disposer de quelques photos « historiques » peut se révéler utile…

L’idée de cette balade en petit train ne nous emballe pas du tout, mais Diego semble y tenir. On n’a guère envie de se ridiculiser dans un de ces petits trains pour touristes comme ceux qu’on voit à Beira Mar avec des animateurs déguisés en Mickey ou Pluto. On est vite rassuré : c’est organisé par une association culturelle, et l’animateur n’est autre que le propriétaire du musée du cajou. Un type intelligent qui nous a bien plu par sa largeur de vues et son humour.

On n’est pas déçu : on sillonne le centre historique en nous régalant de ses commentaires. Telle maison bourgeoise ayant autrefois appartenu à une gloire locale mériterait d’être restaurée, mais hélas, il y a des problèmes juridico-financiers. Un peu plus loin, il explique que les maisons traditionnelles de la rue ont été démolies pour un énième projet aussi quelconque qu’inutile, que le gouvernement a engagé 170 millions de l’argent public – notre argent. Tel ou tel autre bâtiment « devait être » restauré en vue de je ne sais quoi, mais « hélas »… Dans le train, tout le monde est hilare. « Les grands bâtiments sur votre gauche ? Ils vont être inaugurés dans deux ans. Ben oui, au moment des élections »…

Des visites culturelles comme ça, on en redemande.

À quatre heures de l’après-midi on se retrouve dans un restau sur Beira Mar pour déjeuner. C’est qu’on commence à avoir sérieusement les crocs. Dans la conversation, on reparle du mec du musée et tous les trois, on se dit qu’il nous rappelle quelqu’un mais pas moyen de mettre un nom dessus. Tout à coup, tout s’éclaire quand Diego dit « ah, si, euh, il me rappelle un certain… Gil… Gil... » sur quoi Marielle et moi on enchaîne : « Gilmar ! ». Diego : oui, c’est ça, Gilmar Chaves ! Là, on est morts de rire. J’ai connu Gilmar en 1984 et passé quelques soirées mémorables avec lui à l’écouter raconter des histoires abracadabrantes en buvant de la cachaça. Gilmar, c’est sans doute le pique-assiette le plus connu du Brésil, mais on ne peut pas s’empêcher de le trouver sympa. Il a toujours des tas d’histoires à raconter et connaît tout le monde. Il nous est même arrivé un soir de nous retrouver avec lui sur un podium où le gouverneur était en train de prononcer un discours pour l’inauguration d’un tronçon d’autoroute.

En sortant du restau, on raccompagne Diego à Mucuripe avant de rentrer à l’hôtel. Le soir, on ressort faire un dernier tour à Beira Mar… où on le recroise en compagnie d’un copain. À Londres, on dit que si on reste une demi-heure à la station de métro de Piccadilly Circus, on est sûr de voir passer une personne de connaissance. À Fortaleza, c’est à Beira Mar que ça se passe.

Ce court séjour nous laisse un peu tristes, à vrai dire. Nous connaissons Fortaleza et le Ceará depuis 1984. Entre 1997 et 2007, nous y sommes revenus tous les ans. Notre histoire d’amour avec le Brésil a toutefois fini par s’user. Après les années de misère noire et d’hyperinflation de la décennie 85-95, le pays s’est redressé de manière fulgurante. La fin des années 90 était exaltante. La monnaie était stable, l’économie connaissait un essor sans précédent. L’âge moyen devait être d’une trentaine d’années et les gens étaient confiants en l’avenir. Le niveau de vie s’était considérablement élevé. Lors de notre dernier passage à Fortaleza, on avait toutefois eu un avant-goût d’un nouveau changement : le vieillissement de la population. Jusqu’à la grande sécheresse de la fin des années 70 à l’origine d’un exode rural massif, les familles étaient aussi nombreuses que pauvres. Dans les années 80, quand nous vivions à Fortaleza, ces familles nouvellement implantées en ville n’avaient déjà plus que trois ou quatre enfants. À la fin des années 90, les couples n’en avaient qu’un ou deux, voire plus du tout. En 2019, Fortaleza n’est plus du tout la ville festive qu’elle était quinze ou vingt ans auparavant. La société brésilienne est plus mature, mais aussi moins gaie qu’autrefois. À vrai dire, elle me rappelle la société française de la fin des Trente Glorieuses quand, la reconstruction terminée, on faisait inconsciemment le bilan et on cherchait une nouvelle orientation.

Allons, il ne faut pas être triste. Le Brésil est un pays vaste, d’une extrême diversité et qui ne craint jamais de faire table rase du passé pour se renouveler. Avec la fin de l’ère coloniale que nous vivons, on peut être confiant. Entré dans la maturité, la locomotive de l'Amérique Latine est déjà un phare pour beaucoup de pays en voie d’émancipation.


Ça va le faire

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